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Par Alain Renard, 2001

Désinsectisation par Anoxie

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mercredi 4 mars 2009, par Icon Network

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La désinsectisation par anoxie
Workshop, Projet Européen Culture, Palazzo Leoni Montanari, Vicenza, 2001 – Par Alain Renard.

Les insectes dans les œuvres d’art

Les objets en bois peuvent être des sources de nourriture pour les larves d’insectes xylophages. Il existe plusieurs catégories d’insectes détruisant le bois qui s’attaquent aux œuvres d’art tels que les termites, les coléoptères (lystes, charençons, punaises). Normalement dans une atmosphère saine et contrôlée, les risques sont minimes, mais ils existent tout de même. Comment se produit l’attaque ? Il faut qu’un insecte adulte femelle vienne pondre ses œufs à la surface du bois, généralement un peu abrité dans une anfractuosité, par exemple une fente. L’œuf va donner naissance à une larve qui se développera en mangeant le bois. Elle va créer ainsi des galeries. Elle va ensuite devenir une nymphe (pupa en anglais) puis un insecte adulte qui va s’envoler pour se reproduire et pondre à nouveau des œufs... Le cycle de vie est différent selon les espèces considérées. Certains insectes passent directement de l’état de larve à celui d’adulte. L’appétit et le développement de la larve dépendent de divers facteurs, notamment du taux d’humidité interne et de la température.

Figure 1
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Signes et détermination d’une infestation

Quand nous constatons l’attaque, il est souvent trop tard : les adultes se sont envolés et le bois est déjà partiellement vermoulu. En effet, les larves sont invisibles, car elles se développent sous la surface du bois. Les signes visibles de l’infestation sont les sciures rejetées vers l’extérieur au moment de l’envol de l’insecte adulte parfait, les trous d’envol frais avec sciures sur les bords, éventuellement les insectes adultes vivants (volant ou copulant) et ceux morts au sol. Les trous d’envol seuls et la sciure, même abondante, ne suffisent pas à déterminer une infestation. Il peut s’agir d’une ancienne attaque : de la sciure peut tomber des trous d’envol des années après. La détermination d’une infestation récente est la présence de cônes de sciure autour des trous ou de la sciure en abondance et fraîche présente sans même avoir secoué l’objet. Les trous d’envol doivent être clairs et frais à l’intérieur, avec de la sciure sur leur pourtour. Des appareils ont été mis au point pour essayer de diagnostiquer l’infestation avant l’envol des adultes. Il s’agit d’appareils acoustiques permettant de repérer l’activité de mastication des larves.

On peut citer par exemple l’INADEC, appareil de détection acoustique avec référence de comparaison, ou le TERMATRAC, appareil de détection à micro-ondes à effets Doppler.
Quelque soit le stade du développement de l’insecte, il est important d’arrêter sa prolifération. Pour cela il existe différentes méthodes à la disposition du restaurateur.

Les méthodes de désinsectisation à la disposition du restaurateur

Une méthode simple est d’introduire les agents actifs par voie liquide. Il existe un large éventail d’insecticides : les organochlorés (Lindane, DDT, Dieldrine, Gamma-BHC...), les organosphorés (pyrethroide) et de nombreux produits commerciaux comme le xylophène, le xylamon-LX durcissant. Il peut s’agir du simple poison véhiculé dans le solvant ou de la combinaison avec une résine consolidante. Ces produits sont extrêmement nocifs pour les utilisateurs.

Le fait aussi d’introduire de tels produits ainsi qu’une grande quantité de solvant dans une œuvre peut créer des altérations (efflorescences avec des produits contenant du DDT, par ex.). Il semble donc important de trouver une alternative à ces produits, surtout dans le cas de traitement de masse.

Les musées et les grands centres de restauration ont mis en place des enceintes de gazage pour traiter de grandes quantités d’objets avec des gaz comme l’oxyde d’éthylène ((CH2)2O), le bromure de méthyle (en anglais methyl bromide) (CH3Br). Mais ces produits sont extrêmement toxiques et sont en voie d’être interdits d’utilisation. De plus, ils ne sont pas sans interaction sur les objets.

D’autres méthodes, physiques celles-ci, ont été mises en place comme le vide poussé, les rayonnement physique (l’irradiation gamma), les traitements thermiques (Thermolignum), la surgélation. Toutes ces méthodes fonctionnent plus ou moins bien, sont plus ou moins curatives ou préventives, mais toutes ont des contre-indications. Voilà pourquoi l’idée est venue de se tourner vers autre chose. Dans l’agro-alimentaire, des tests ont été menés et ont montrés leur efficacité pour stériliser des cargaisons de grains notamment. Cette technique y est utilisée depuis les années 60. Sur cette base, des conservateurs restaurateurs (CCI, Getty Conservation Institut par exemple) ont démontré l’efficacité de ce type de traitement pour les œuvres d’art. Cette méthode est aujourd’hui assez répandu en France et même de grandes infestations ont été traitées de cette manière (musée de Grenoble par exemple).

Le traitement par anoxie des œuvres d’art

Diverses recherches (voir bibliographie) ont été faites pour mettre au point des atmosphères inertes, c’est à dire ayant un taux quasiment nul d’oxygène. Il existe plusieurs méthodes de traitements :
- le traitement statique avec absorbeurs d’oxygène ;
- le traitement dynamique (remplacement de l’oxygène par un gaz inerte humidifié : azote, CO2, argon...)
- le traitement mixte, combinant les deux traitements ci-dessus.

L’avantage premier de l’anoxie est l’innocuité des gaz utilisés ou de la privation d’oxygène sur les matériaux constitutifs des oeuvres. Son efficacité sur les insectes les plus communs rencontrés dans nos collections a été démontrée à tous les stades du développement de l’insecte (œuf, larve, nymphe, insecte adulte).

Une procédure de traitement a été définie pour tous les insectes rencontrés : abaissement du taux d’oxygène, dans un volume d’air fermé et étanche, de manière rapide à moins de 0.1 % et stabiliser ce taux d’oxygène résiduel (0.1%) pendant au moins 21 jours à une température d’au moins 20°C et à une humidité relative stable par rapport à l’environnement initial de l’objet traité.

Le choix de la méthode, statique, dynamique ou mixte, dépend surtout du volume à traiter. Nous présentons ici, dans la cadre de la restauration des icônes, la méthode la plus simple et qui demande le moins de matériel : la méthode statique avec les absorbeurs d’oxygène.

L’anoxie statique

La suppression de l’oxygène de l’air se fait dans le cas de l’anoxie statique par absorption. Les absorbeurs d’oxygène sont des sachets contenant une poudre de fer, du soufre, une solution saturée de sels de mer et des zéolithes. Au contact de l’air une réaction électrochimique se produit :
le fer s’oxyde sous l’action de l’humidité et de l’électrolyte. Au début de la réaction, on constate une augmentation de la température ainsi qu’une augmentation de l’humidité relative. Cette dernière peut durer plus longtemps selon le volume traité et la nature des matériaux traités. Les sachets sont vendus dans des poches plastiques imperméables à l’oxygène.

Il est important de ne pas les ouvrir avant traitement, mais bien à la dernière minute quand tout est prêt. Une fois la réaction produite, le sachet n’a plus aucune efficacité. Il existe un choix important d’absorbeurs d’oxygène. Il faut que ceux-ci soient à effet rapide.

Il faut placer les absorbeurs d’oxygène dans une enveloppe étanche à l’oxygène qui contient aussi les objets contaminés. Cette poche est fabriquée avec le film le moins poreux possible à l’oxygène qui est thermosoudé à l’aide d’une pince à induction ou à chauffage. Il en existe de largeurs différentes. Il faut créer le volume le plus limité possible autour de l’objet à traiter mais sans toutefois plaquer le film contre lui car l’enveloppe va perdre 20% de son volume, la pression pourrait endommager le contenu. Le traitement par anoxie statique concerne des volumes inférieurs au mètre cube. Au-delà, l’augmentation du taux d’humidité relative peut devenir trop importante. Les films étanches à l’oxygène sont des films aluminisés multicouches opaques ou transparents. Les films transparents sont plus chers que les opaques. Il est possible de combiner les deux. En effet, il est préférable d’avoir au moins une fenêtre pour pouvoir contrôler ce qui se passe dans l’enveloppe. Leur perméabilité doit être de l’ordre de quelques cm3/m2/24h/1atm. Pour l’efficacité du traitement, il faut que la soudure soit parfaite et qu’il n’y ait aucun trou. Il faut donc s’assurer que l’on fabrique l’enveloppe dans un endroit propre et que l’on chauffe assez fortement pour faire la soudure. La température de soudure est indiquée dans les fiches techniques des films. Il est préférable de protéger toute partie contondante de l’objet avec du papier ou un tissu.

Durant le traitement, il faut éviter toute manipulation qui pourrait provoquer un trou. Il est important de contrôler le taux d’oxygène, pour cela divers moyens sont à la disposition du restaurateur comme les pastilles roses Mitsubishi, les languettes bleues Merck, un oxymètre à cellule électrochimique. Le nombre d’absorbeurs d’oxygène à utiliser est fonction du volume à traiter et de la perméabilité du film barrière utilisé. La nature et la densité des matériaux à traiter se sont pas à prendre en compte dans le calcul, mais les vitesses de désorption en oxygène ne seront pas les mêmes et, donc, le temps de traitement sera augmenté d’autant. Le temps de traitement est calculé à partir du moment où le taux d’oxygène est descendu à moins de 0.1 %, sachant qu’il doit être obtenu dans un temps court. Il existe différentes méthodes pour calculer le nombre de sachets à utiliser. Mais une est simple et rapide. Si on utilise aussi un film plastique quasiment imperméable à l’oxygène, nous pouvons négliger la perméabilité du film. Il faut tout d’abord calculer le volume de l’emballage V contenant l’œuvre à traiter en centimètres cubes.

V = Longueur en cm x largeur en cm x Hauteur en cm Sachant que le taux d’oxygène dans l’air est de 20,9%, on peut admettre, en arrondissant, que le rapport entre le volume d’air V et le volume d’oxygène contenu dans ce volume d’air est de 5. Pour obtenir le volume d’oxygène à éliminer Vo, il faut diviser le volume d’air total de l’emballage V par 5.

Vo = V/5

Connaissant la capacité d’absorption de chaque sachet, on peut alors calculer le nombre de sachets nécessaires en divisant Vo par cette capacité. Une fois le nombre de sachets déterminés, il faut les placer dans l’enveloppe en les répartissant bien autour de l’objet tout en prenant garde qu’ils ne le touchent pas, car la réaction est exothermique et cela pourrait endommager ce dernier. Cette mise en place doit se faire rapidement ainsi que le scellage de l’enveloppe (selon les sachets, le temps de mise en place est d’une demi heure à une heure pour la mise en place). Il est alors important d’indiquer sur l’enveloppe la date du scellage, le nombre d’absorbeurs utilisés, l’heure où le taux d’oxygène est réellement descendu à O,1%. Les trois semaines doivent être calculées à partir de ce moment précis.

Avantages et inconvénients de la désinsectisation par absorbeurs d’oxygène

Cette méthode a un grand nombre d’avantages. Tout d’abord elle est complètement inoffensive pour l’œuvre et pour le manipulateur. Elle est d’un coût raisonnable et assez simple à mettre en œuvre pour des petits volumes. Cette méthode peut être mise en place relativement partout, mais certaines précautions doivent être prises cependant : il vaut mieux éviter de déplacer l’enveloppe en cours de traitement, il faut que la pièce où le traitement se réalise soit bien chauffée (la température ne doit pas descendre en dessous de 20°C). Il faut savoir qu’il s’agit d’une méthode uniquement curative et non préventive. Pour que son efficacité soit garantie le protocole doit être suivi rigoureusement. Dans la littérature, il est possible de trouver différents temps de traitement, des températures et taux d’humidité relative variés. Cependant, il semble souhaitable, surtout dans le cas où l’insecte n’a pas été identifié, de ne pas faire moins de trois semaines de traitement et s’assurer que la température soit bien supérieur à 20°C. Il est important aussi que le taux d’oxygène descende rapidement et donc utiliser des sachets à réaction rapide. Le risque est grand si des insectes réchappent de ce traitement de créer des insectes résistants à ce genre de traitement.

Le matériel nécessaire et les fournisseurs

Les absorbeurs / action rapide

absorbeur d’oxygène Ageless-Z (Mitsubishi Gas Chemical Company)
ATCO LH ou HV (Standa Industrie
68, rue Robert Kaskoreff
14 050 Caen Cedex France
Fax 02 31 73 13 57
Téléphone 02 31 74 54 89
www.standa.com
standa@mail.cpod.fr

L’enveloppe plastique / film aluminisé à très faible perméabilité

VALSEM S 165 (ASNEC), perméabilité entre 0,1 et 0,2 cm3/m2/24h/1atm Aclar (polychlorofluoroethylene) ; Cryavac (Polyvinyliadine chloride) enceinte de Rentokil Corporation.

Une scelleuse

L’oxymètre ou autres indicateurs du taux d’oxygène

- les indicateurs colorés (MITSUBISHI, Ageless) / lorsque l’indicateur est rose il indique un taux inférieur à 0,1% et lorsqu’il est bleu un taux supérieur à 0,5%.
- Merck (languette bleue)
- les oxymètres (agro-alimentaire, Abyss, Pak). Il est important d’acquérir un oxymètre qui a une précision au centième près (0,00) pour être sur que l’on soit bien en dessous ou égale à 0,1 (si nous avons 0,15% le traitement ne sera pas efficace !).


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